Il n’avait qu’un rêve : léviter !
De toutes les lourdeurs, s’arracher…
Se soulever en se détachant du sol
Et de toutes ses bassesses et bémol,
S’échapper et planer entre cieux et terres,
Flâner allègrement dans les airs
Comme le maître qu’il se choisit
Après s’être assuré réellement
Que celui-ci lévitait effectivement…
Il n’eut plus alors qu’une seule occupation :
Méditer, méditer sans autre obligation
Jusqu’à ce qu’il parvienne à léviter…
Mais pourquoi voulait-il à tout prix léviter ?
Lui demanda son Maître.
Pour pouvoir traverser sans peiner
Et toutes les rivières,
Et toutes les frontières,
Pour au plus loin repousser
Toutes mes limites et limitations, ô Maître,
Lui répondit-il.
Après cinq ans d’apprentissage sans succès,
Notre chercheur se trouva un autre maître de fait !
Vingt-trois ans plus tard, il en revint tout fier
D’avoir pu traverser en lévitant en vrai expert
Le fleuve juste en face de chez son ancien Maître
Convaincu de l’impressionner et lui faire admettre
Qu’il avait eu tort de ne pas l’accompagner
Jusqu’au terme de sa quête intense
Pour la réalisation glorieuse de son rêve immense…
Hélas, il resta sur sa faim quand celui-ci lui dit:
Il t’aura donc fallu vingt-huit ans de formation
En méditations jusqu’à la lévitation
Pour enfin pouvoir traverser ce fleuve
Qu’en vingt minutes seulement
Et en payant juste vingt francs
Mille hommes, femmes et enfants,
Jeunes et vieux, traversent chaque jour,
Debout, assis et même couchés dans la pirogue
Qu’il vente ou qu’il pleuve…
Certes, tous les savoirs ont un prix et le méritent
Mais retiens que les savoirs ne sont bénéfiques
Que mariés à un objectif plus utile
Au plus grand nombre de bénéficiaires…
Tes 28 ans de formation à la lévitation
Permettront-ils à plus de monde que maintenant
De traverser de fleuve plus efficacement
Et à leurs projets de mieux se concrétiser ?
Si oui, alors bravo pour ta quête enfin réalisée
Retiens toutefois que
Celui qui te permet de le regarder faire son art
T’évite de devoir encore payer le poulet, Fils…